27 10, 2011
Au pays des Khmers rouges
Le vélo de Jon fait des siennes et nous passons la frontière (la plus cool du monde) en mode tractage. Premier vrai soucis technique depuis la Belgique. Ça ne nous arrange pas, et nous adaptons notre itinéraire en conséquence, direction la capitale Phnom Penh. Les frustrations s’estompent car on roule sur l’une des plus belles routes du voyage ! Le chemin suit le Mékong au travers de villages montés sur pilotis. Tout est inondé, une chance (pour nous 😉 car les paysages sont rendus plus pittoresques. Une bonne tranche de vie rurale comme on les aime, on retrouve tous les animaux de la ferme, avachis sur la route par la chaleur, les moines en robe safran qui contrastent avec le décor, avec baignade possible au coucher du soleil…
Le trajet aurait été parfait si on ne s’était pas perdu pas dans les demi-tours, et surtout si les vélos ne nous auraient pas compliqué la vie. Après réparations de la roue arrière de Max, c’est celle de l’avant de Jon qui endommage la fourche, avec pour résultat un retour en mobylette sur un chemin de terre dans lequel on s’était engagés. Réparation à la cambodgienne, soudure, acharnement thérapeutique sur nos vélos fatigués. Cette journée perdue ne sera pas la dernière. Nous arrivons à Phnom Penh, à nager parmi les mopettes, pour attendre 3 jours nos visas thaïlandais. Ensuite cap sur Angkor non sans un détour vers les villages flottants du lac Tonlé Sap. Des lieux « à peine » plus touristiques, fini les petits gosses tout nu qui détalent devant nous.
Nous arrivons aux portes d’Angkor, sous eau, en tractage encore une fois. L’ancienne capitale des rois khmers nous affiche sa beauté connue dans le monde entier. On se retrouve face aux décors rendus célèbre par les photos (les arbres serpents qui se glissent dans les fissures des temples). On ne se lasse pas de regarder les drôles de bandes de japonais en pleine effervescence photographique. Un bateau passant les villages sous eau du Tonlé Sap nous amène à Battambang, pour une nouvelle journée réparation (eh oui remplacer une roue se compte en journée, les cambodgiens ont le temps…). De là, l’idée est de pousser l’aventure dans les campagnes khmères par la traversée de part en part du massif montagneux des Cardamomes. La région est encore hors des sentiers battus, l’espace a conservé sa virginité, le paysage est grandiose et, si les Khmers sont encore synonyme de terreur, on ressent plutôt le contraire avec cette population attachante. Les stigmates de décennies de guerre sont encore présents dans cette région la plus minée du Royaume : preuve en est que nous avons comptés en 3 jours 7 estropiés.
Dans la foulée, on passe l’anniversaire de 1 an de voyage (et 22.000 km) pour Jon. Déjà et seulement ! Une année vécue à dix milles à l’heure, une tête bourrée de souvenirs, des expériences sans égales et quelle que soit la suite, une aventure à coup de pédale déjà au-delà de nos attentes. Compréhensions du monde et beaucoup de réflexions bien sûr (on a le temps sur un vélo), dont certaines que l’on peut partager. En bref on a constaté que :
– la terre est grande
– …mais qu’à vélo on peut aller loin
– qu’elles que soient les cultures, il existe des signes d’humanité universelles, comme les marques de politesse, de gentillesse, d’accueil
– on aime plus la Belgique, les potes et la famille qu’avant
– ne pas partager des moments avec des personnes de notre culture est fatiguant
– il ne nous a pas fallu beaucoup d’argent pour réaliser ce rêve
– à vélo (comme dans la vie), la constance est plus forte que la rapidité
– la vie sans femme c’est pas facile…
– on peut vivre 1 an avec 1 caleçon
– …mais aussi qu’un sac de couchage non lavé depuis 1 an ça pue
– la vie en ville est toujours plus compliquée
– il y a beaucoup de musulmans
– il y a beaucoup de pays à fortes censures du gouvernement
– no pain/no gain
– un désert à vélo, c’est chaud
– les chinois vont manger le monde
Mais après 1 an, il faut sans doute renouveler notre abonnement auprès de Mercure (dieu du voyage), qui semble nous avoir décidément délaissé : notre première route des Cardamomes n’est pas bonne et nous coûte une journée, nous perdons la seconde journée pour se rendre – à deux sur une moto sans frein – à l’endroit de perte de notre portable que nous constatons bien tard. Trop précieux pour l’abandonner : il était notre appareil photo de secours depuis que l’autre a été court-circuité par l’eau, mais aussi notre mp3 pour la zik sur vélo. Le troisième jour, alors que nous sommes engagés loin dans la piste la « nouvelle » roue arrière cambodgienne de Max lache. On est dans le trou-du-cul du monde, l’état de la route nous a forcé à pousser les vélos sur les derniers kilomètres, nos vélos ne sont pas à la hauteur : on abandonne. On coupe court aux galères en se rendant en Thaïlande, non sans regrets de devoir quitter ce qui est notre pays coup de cœur du voyage.