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31 08, 2011

Provinces de Xinjiang et Qinghai

La Chine commence par un séjour agréable dans la ville de Kasghar. L’auberge de jeunesse est une petite ville en soi, on peut tchatcher autour d’une bonne bière avec des femmes émancipées (ouf !), rencontrer des voyageurs du monde entier, bref on se sent vite « en famille ». C’est aussi une vraie tanière à cyclistes ou les échanges d’info vont bon train. On découvre à notre grand bonheur que la Chine est un pays pas cher (ben ouai, toujours bon à prendre). Très amusant de voir toutes les babioles Made-in-China bon marché dans leur « habitat naturel ». On a du mal à quitter Kasghar mais, après une remise en forme obligatoire de nos bécanes (réapprovisionnement matos par Max), on finit par s’y arracher avec dans nos roues un cycliste australien. Direction Pakistan, car notre cœur penche toujours pour l’itinéraire Pakistan-Inde-Népal-Bengladesh. Seulement on se fait à l’idée que ce concept dernier-cri est techniquement difficile : attentes pour visas, dépenses déplacées d’argent, moussons sur la tronche…C’est devant la frontière pakistanaise que l’on prend notre décision définitive de snober l’Himalaya, en préférant la traversée du désert du Taklamakan, en pleine Chine continentale. Le désert sera une mauvaise passe on le sait, mais c’est le prix à payer pour être « puriste » (éviter tout véhicules). Le fameux lac de Karakol nous met l’eau à la bouche, difficile de quitter de si belles montagnes pour un désert surtout quand un vent de face puissant saque notre plaisir de redescendre les 2000m qu’on vient de se taper. Retour à la case départ.

Nouveau départ de Kasghar et cette fois pour un mois qu’on aurait pas imaginé si long (près de 3400 km). Max goûte aux plaisirs des premiers kilomètres douloureux, gerçures au cul oblige. Le changement de partenaire est une métamorphose du voyage. Les débats sont fertiles, les discussions ne tournent pas encore en rond (sauf celles des gonzesses bien sûr), malgré le manque d’un Science-Po pour étayer les débats (l’intéressé se reconnaîtra ;). Le désert est monotone à mourir, chaud mais plat. Carnaval de « journées entourées », celles de plus de 140 km qu’on entoure sur notre liste écrite des étapes. Les pensées philo sur vélo ne sont pas possibles dans le desert : le paysage est trop hostile pour s’évader. Alors c’est la déprime devant l’horizon vide. On en arrive même à faire de la lecture-sur-vélo sans peur de s’écarter de la route rectiligne ! Sinon dans les mauvais jours pour se divertir on peut toujours décompter les bornes… Le but est en fait d’arriver « quelque part » au moment de la pause midi ou pour la nuit. Même une antenne suffit pour combler notre manque de présence humaine. L’accumulation des jours se ressent, la fatigue s’installe et les jours passent. Pas que les jours d’ailleurs, les années aussi. Nos deux annifs respectifs (6 et 9 juillet) s’écoulent ni vu ni connu : un bon vieux dodo à 9h du soir comme il se doit.

La traversée est pauvre en rencontre, car l’accueil n’est pas réellement présente dans l’âme chinoise. Dans les villes pas trop « colonisées » par les chinois, si on veut titiller l’invite, on se dirige vers les Ouïgours (habitants de la province du Xinjiang), plus chaleureux. La valeur sûre bien entendu c’est le petit chapeau musulman. Mais nos manques de rencontres tient surtout au fait qu’on éprouve des difficultés à communiquer. La langue est complètement étrangère et aucun mot n’ont les mêmes sonorités, ni même les internationaux « hôtel », « vélo » ou « internet ». Rien n’est en commun d’ailleurs : manger à la baguette bien sûr, les signes de main pour chiffrer, le mime « manger » ou « dormir ». Il nous est arrivé de recevoir un élastique lorsqu’on demandait les toilettes (énigme encore non résolue), ou de nous apporter une pompe à vélo lorsqu’on demandait le nom du village (en pointant le doigt de façon répétée vers le sol). Différences culturelles qui sont souvent sources d’incompréhensions, comme par exemple lorsqu’un restaurateur s’est énervé sur nous pour avoir mis des chaussettes (propres) sur la table, alors que les cacas à côté des chiottes paraissent aisément tolérés…Oui, les Chinois ne sont pas les plus propres (y a qu’a voir la manière de gober leurs pâtes), les déchets sont jetés à terre en toutes circonstances y compris dans les restaurants (système qu’on trouve intéressant cela dit en passant, à condition que le sol soit lavé par après), enfin ce sont nos premières impressions des Chinois mais il faut préciser qu’on a fréquenté le milieu des camionneurs du désert qui ne sont pas experts en propreté. Les autres rencontres sont les quelques cyclistes chinois, en route vers Lhassa qui semble toujours drainer autant de pèlerins.

Quand on croit avoir fini avec ce foutu désert, on déboule sur un large plateau plus élevé mais tout aussi désertique. Le soleil tape encore plus dure, le vent est soit ami soit ennemi (comment peut-il tourner de 180 degré en quelques heures ?). Tourbillons et sable en mouvement, autant dire qu’on comprend mieux l’intérêt des yeux bridés ici (voilà un exemple parmi les centaines de bêtes réflexions sur la selle…). Le vent se met définitivement à souffler de face, mais le but reste de « killer du kil » pour sortir du cagnard, alors on inaugure les « by night ». Levés à 2h du mat’. Le début est plutôt facile car on tourne à l’adrénaline, mais c’est à l’aube que ça devient moins drôle. Les millions de moustiques rendent les arrêts impossibles (en journée aussi). Difficulté supplémentaire qui paraît anodine mais c’est un véritable test des nerfs ! L’arrivée à la ville de Germu est rendue plus sympathique par l’accueil d’un groupe de break-dancers que l’on appelle « new generation » (moins classique, moins kitsch et plus ouverts).

Enfin, on entre au Tibet : encore une region « qui n’est pas la vraie Chine » comme on l’entend souvent. Les plateaux tibétains valent le coup, même s’ils sont exigeants. Dix cols entre 4400 et 4800m et une paire de col (≠ paire de couille) intermédiaires sur 600 km aura été notre baptême d’entrée. L’altimètre naturel de Mak (mal d’altitude) laisse deviner les hauteurs. L’équipement pluie – dont on s’interrogeait sur sa nécessité dans le desert – est de sortie. L’espace est très sauvage : antilopes, mulots, hibou, marmottes, yaks et aigles à la pelle… On goûte à plusieurs accueils tibétains, réchauffés par le poêle qui carbure aux crottes de yaks. Beau contraste pour nous qui fuyions la chaleur. Il n’y a pas de doute, on est bien au Tibet légendaire : chaque col est marqué par un Chörten ; des moines jaunes-rouges, des femmes en costumes traditionnels, des enfants habillés un peu à l’arrache s’agglutinent autour de nous. Quelques villes affreuses nous rappellent la présence chinoise. La piste ne semble jamais finir et les averses rythment nos avancées. Enfin, on gagne la ville de Yushu où l’on programme de bonnes orgies de bouffe, une bonne lessive et la visite de monastères peinards. Une statue de bronze au milieu de centaines de tentes, est-ce bien le centre-ville ? On apprend vite le malheur local et le tremblement de terre meurtrier de l’an passé dont le bilan est de 2000 morts, 12.000 blessés, et une ville complètement rasée. De quoi alimenter la fièvre de la construction chinoise, qui se donne jours et nuits dans cette ville aux allures de camp de réfugiés…

Départ ce matin pour la province du Sichuan ! (suite voir plus bas)

19 09, 2011

Provinces de Sichuan et de Yunnan

Nos dernières nouvelles datent de la ville de Yushu, à l’entrée de la province du Sichuan. On quitte la ville dévastée par une route qui, d’après le trait à peine visible sur notre carte, aurait du suivre le Mékong. Cap vers le Sud pour la première fois depuis longtemps. La réalité étant ce qu’elle est, le Mékong est bien tout en bas mais la route qui le surplombe est sinueuse, rocailleuse, cabossée. Heureusement les vallées verdoyantes n’ont plus rien à voir avec le désert ! Mais ce n’est pas vert pour rien et la pluie étire le temps et enlève le plaisir du vélo sur les routes boueuses.

On est bien toujours au Tibet : des montagnes à perte de vue, les ombres des aigles devant nos roues, les accueils crépusculaires des tibétains en tenue de moine -décidément aux antipodes des Hans – qui nous donne l’eau chauffée par la bouse de yaks qu’on a besoin pour nos noodles à quelques centimes. Le beurre de yak et la tsampa à masser avec les doigts (aliment de base à base de farine d’orge, on est fan !), tout ça dans des maisons précaires dont une armoire en bois, chef d’œuvre d’architecture, est intégrée aux murs du salon. Mais après coup ce qui nous rappelle aussi le Tibet ce sont les cols sans fin et les longues phases d’approche par des mauvaises routes qui remontent les rivières. On s’impatiente du rétrécissement de ces dernières qui annoncent l’approche du col, tout comme les Chörtens (forme tibétaine des Stupas) dont les billets de prières flottent au vent. Pause dans les nuages. Changement de saison en altitudinal : en haut l’hiver tenaille, en bas le printemps explose. Mais le Tibet doit être un des peu d’endroits sur terre où le cycliste ne savoure pas les descentes. Premièrement car les routes caillouteuses rendent l’exercice affreux tout simplement, et ensuite parcequ’une dénivellation négative engendre systématiquement une positive aussi longue, voir pire. Ici les montées prennent des jours et les descentes des heures. On se souvient entre autres d’une section de route de 400 km avec 4 cols entre 4500 et 4700 mètres, et plus particulièrement d’un plongeon de 70 km dans lequel on abandonne nos vies aux bouts de nos doigts. La descente reste pour nous la plus longue de notre vie mais aussi – on commence à comprendre – la remontée la plus longue pour joindre deux cols à quelques encablures à vol d’oiseau l’un de l’autre. Les changements de vallées accusent une certaine variation dans la culture et les mœurs. Dans certaines vallées nous sommes accueillis comme des rois, dans d’autres l’accueil a l’air une notion franchement inconnue. Les habitations changent, certaines en bois, certaines en terre (des sortes de maison-châteaux dont le premier étage est une ferme). Les seuls points communs sont les noodles, la tsampa et l’eau chaude (personne ne boit d’eau froide et c’est un casse-tête pour se faire comprendre et remplir nos gourdes).

Le bon coté bien sûr dans tout ça, c’est d’achever notre éternelle poursuite de l’isolation : à savoir se retrouver dans des endroits reculés, dans des villages perdus, tout fait de bois, flanqués sur les rives de petites rivières tortueuses. Quelques moments nous restent en mémoire : un soir où nous sommes accueillis sous la tente nomade de 3 frères gardiens de yaks, un thé au beurre à la main pour oublier la pluie froide qui bat sur le haut plateau de 4500m. Un après-midi dans des sources chaudes en plein air dans une vallée auréolée de montagnes magnifiques. Ou le col où nous sommes forcés par un mauvais temps de passer la nuit avec une bande de gosses surexcités et une vue somptueuse sur les pics rocheux. Ou encore ce matin où nous déboulons par hasard dans une grande cérémonie 100% tibétaine d’inauguration d’un nouveau temple bouddhiste…Heureusement quand même (on est en totale manque de rencontre), on traverse aussi quelques poches à touristes : Litang, Shangri-La…Et, pour la petite histoire, chaque fois la même déception quand on réalise la qualité de leurs photos, comparée aux nôtres prises par notre appareil médiocre ! Le vieux dilemme d’achat d’un meilleur appareil ressort mais l’argent manque et l’essentiel est les souvenirs dans la tête…

Nous pénétrons dans le Yunnan, qu’on constate toujours montagneux. La preuve en est la traversée de Gorges du Saut du Tigre comptant parmi les plus profondes du monde dans laquelle la route a gagné un droit de passage. Les journées s’enchaînent, souvent levés tôt par nos hôtes dont le respect du sommeil parait inconnu. On se sent plus que jamais des oiseaux de passage. On arrive alors à la ville de Dali, en suivant une autoroute dévastatrice en pleine construction dont les viaducs, les tunnels et les barrages traversent tout « à la chinoise » comme souvent. Enfin la route n’est pas pour tout de suite et pour le moment c’est une route poussiéreuse qui nous mène à Dali. Ville dans laquelle on arrive d’ailleurs chacun de notre coté, car on se perd de vue dans une pluie torrentielle qui nous sépare pour 2 jours et que l’on quitte aussi séparément, Max se retirant une semaine dans un monastère de Kun-fu. Pendant que Max tâte ses forces intérieures en expérimentant une vie précaire, Mak « arrondit la fin du mois » (d’août) en parcourant les 900 km qui nous sépare du Laos. Sunrise to sunset et plus si affinité, car faut dire que le terrain ne s’y prête pas vraiment. Au fur et à mesure de la progression australe le climat se fait plus chaud et humide (jamais autant transpiré !), la végétation éclate (pourquoi les habitants du désert ne viennent-ils pas ici ?), les criquets chantent, les panneaux routiers préviennent la présence de singes et d’éléphants, les pâtes sont remplacées par le riz, la vie se fait torse nu, un panier d’oseille à la main et un chapeau de paille sur les oreilles,…autant de parfum d’Asie du Sud-est !

Retrouvailles à la frontière, prêts pour basculer ensemble au Laos. La Chine reste dans nos esprits un pays qu’on a adoré et détesté à la fois. La raison principale est sans doute sa disparité ethnique : les tibétains et les ouïgours du Xinjiang, détournés de toutes considérations capitalises, accueillants et souriants face aux Hans froids, impassibles, capables de refuser une hospitalité à un cycliste seul à la tombée de la nuit sous la pluie (Mak se rappelle avoir perdu son sang froid après plusieurs refus de prêt de grange, sans apercevoir une lumière de compassion dans leurs yeux). Enfin, le deal c’est qu’on doit leur foutre la paix et en échange ils nous foutent la paix par leur indifférence (ce qui nous permet par exemple de ramasser sans gêne les restes des assiettes dans les restaurants), contrairement aux minorités qui nous regardent comme des OVNIS. Bref une sorte de « je t’aime moi non plus » pour cet Empire du Milieu en mutation dont la puissance économique toujours croissante nous a donné quelques frissons !