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Retour Europe

27 01, 2011

Au pays des pyramides

Notre séjour en Egypte fut relativement long, simplement parce que nous voulions éviter – au mieux – le froid hivernal du Kurdistan. A notre entrée dans le pays, nous nous demandions ce qui allait bien pouvoir nous occuper pendant presque deux mois. Question stupide quand on se trouve dans un pays si abondant de richesses ! Au final c’est l’option de remonter le Nil jusqu’à Assouan qui a pris le dessus, et on peut dire qu’on a été à mille lieux de s’ennuyer.

La découverte des villes a constitué une bonne partie du séjour, ainsi que certaines de leurs curiosités historiques : la bibliothèque (moderne) et le Phare d’Alexandrie, le temple de Karnak, les tombes des grands pharaons (Ramsès II, Toutankhamon, Seti, Hatshepsout et tous leurs potes), le temple bien conservé de Médinat Abu, avec des hiéroglyphes encore en couleurs à Louxor, la “ville-musée a ciel ouvert”… Sans oublier la capitale avec les inévitables pyramides de Kheops, le quartier copte, Khan-al-Khalili, le quartier islamique et le musée d’Egypte qui fait ressurgir nos cours d’histoire. Le musée est impressionnant par le nombre de pièces qu’il contient. Tant nombreuses que certaines semblent avoir été oubliées d’être mises en valeur ou sous protection. On aimait s’imaginer, en sélectionnant au hasard une statue dans un coin poussiéreux, la manière dont elle serait exposée si elle se trouvait dans un musée d’Europe (gros spots, panneaux d’explications multilingues et visée par 1500 objectifs photos). Enfin, le principal c’est d’avoir pu s’imaginer l’organisation de la société de l’époque et la puissance des pharaons, ce qu’on a d’ailleurs particulièrement ressenti lors de la visite des temples colossaux d’Abu Simbel.

On a pu comprendre aussi pourquoi Le Caire est la plus grande ville d’Afrique et du Moyen-Orient. C’est un lieu vivant, c’est le moins qu’on puisse dire. La pénétration dans la ville ressemble à une traversée d’un centre-ville peuplé…mais pendant 30 km. A force de s’y faire, on trouve la technique pour traverser la rue à vélo : il s’agit de remonter le trafic et puis de se jeter dans le courant pour arriver sur le trottoir d’en face en slalomant en diagonal. On reste impressionnés par l’effervescence de la ville et les klaxons résonnent encore dans nos oreilles. Tout un mode de communication d’ailleurs les klaxons. On peut dire qu’on commence à pouvoir distinguer le coup de simple salutation, de celui d’avertissement, de celui d’encouragement, ou de celui du “je m’embête alors un p’tit coup” (sans doute le plus répandu).

Hors de ces breaks culturelo-citadins, on pédale sur des routes bien délaissées par le tourisme de masse, et l’Egypte nous montre un visage quelque peu plus inquiétant. On reste marqués par le bas niveau de vie de Marsa Matrouh (non loin de la Libye), où l’on s’habille et se comporte de manière très traditionnelles et où la majorité semble plutôt en mode survie qu’autre chose. La densité démographique dans la vallée du Nil aussi est remarquable…(voyez la plutôt la vidéo plus bas). En un sens cette densité nous aura poussé à la rencontre des égyptiens plus en profondeur. En réalité, elle est telle qu’il est difficile de trouver un endroit sans se faire déranger au milieu de la nuit. Notre stratégie est alors de demander aux habitants de mettre la tente sur leurs terres, en sachant que ce sera l’hospitalité qui prendra le dessus. Finalement, on se retrouve donc souvent à boire des litres de thé (en compagnie strictement masculine) pour finir par crouler sous la nourriture (préparée par les femmes aux fourneaux). Parce que vous pensiez que le voyage à vélo ferait maigrir ?

Le dialogue étant limité par la langue, la curiosité des égyptiens étant si grande (on nous observe lorsqu’on se brosse les dents) et la bulle d’intimité si ignorée (on nous regarde se changer), certains moments sont parfois fatiguant. La présence quasi permanente est si pesante que cela nous donne parfois envie de s’isoler. On pique-nique, par exemple, à l’abri d’un mur quand on peut. Mais c’est rare de ne pas terminer le dîner sans une bande d’enfants excités autour de nous. Bien sûr, aucune mauvaise volonté, mais le petit curieux qui nous crie “What’s your name?” ou “From where”, ignore qu’il est le 1000eme à le faire sur la journée. Les nerfs sont aussi mis à l’épreuve quand on nous retient le vélo en tirant les sacs arrières.

Avec le recul, on est contents d’avoir eu cette approche de la culture égyptienne – cela nous a permis de partager des amitiés, d’acquérir quelques notions d’arabe, de gouter aux spécialités (fromage et lait de vache encore chaud le matin). Mis à part qu’ils sont bruyants, on a trouvé globalement les égyptiens joyeux, hospitaliers, volontaires, et même soucieux de donner une bonne image des musulmans en général.

Comme on le craignait, nous n’avons pas toujours pu échapper aux escortes policières. Concrètement, une voiture qui nous suit près de 400 km. On se pose des questions sur la nécessité des escortes, si ce n’est que de créer de l’emploi supplémentaire. D’autant plus que des hommes en djellaba avec une mitraillette sur l’épaule veillent aux carrefours (police civile). Plusieurs hypothèses nous viennent à l’esprit au fil de nos lectures et discussions: traumatisme des attentats des années 90, conflits territoriaux inter-familiaux et vendettas ou politique pour éviter que les collectionneurs occidentaux pillent les richesses antiques,…

La vie sous escorte n’est pas des plus relaxante : contraints d’emprunter les axes principaux, les pique-niques se font sous pression, le contact avec les égyptiens est réduit, et les attentes des véhicules d’escortes aux limites des districts policiers sont harassantes (mais l’organisation s’améliore une fois qu’on nous joint à un autre cyclo anglais, Joshua, qui nous accompagne plusieurs jours). Le soir, c’est également tout un cinéma pour trouver un endroit où dormir. Il est arrivé de se faire déloger jusqu’à 3 fois un soir (démontage-remontage de tente) et quand on finit par s’endormir au commissariat, c’est l’ordre d’un général par téléphone qui vient bousculer tout ce qui a été établi par des palabres interminables. Pour la “sécurité” (le mot fourre-tout favori des flics), deux nuits se terminent à l’hôtel aux frais de l’Etat (un commissariat n’est-il pas sécurisé ?).

Heureusement, toutes ces entraves à notre liberté tant chérie, que ce soit par les policiers ou par l’effet de la densité démographique, s’estompent en quittant le Nil. L’entrée dans la péninsule du Sinaï, dominée par la culture bédouine plus calme, nous réjouit. La traversée de vastes parties montagneuses et désertiques nous fait du bien. Dans la foulée, on fait l’heureuse rencontre de deux potes cyclos Français sur le retour au bercail. Ils sont artistes de rue (musicien et jonglerie), amateurs cuisiniers au feu de bois midi et soir (on assainit notre régime alimentaire),… Avec ce duo, une nouvelle dynamique s’installe pour cette autre partie du pays. C’est aussi la première fois depuis le départ qu’on rencontre du relief… et les cuisses et les yeux en redemandent ! L’ascension du Mont Sinaï, haut de ses 2285 mètres, nous ouvre l’appétit. Mais avant d’entrer dans la Jordanie accidentée qui comblera nos envies, une pause s’impose à Dahab, le paradis pour plonger parmi les mille et une créatures marines que les coraux de la Mer Rouge abritent…tout simplement stupéfiant !