27 01, 2011
Wadiland
“Heavy cyclism” c’est le qualificatif dans toutes les bouches des cyclo-voyageurs qui reviennent de Jordanie. Nous expérimentons effectivement les wadi (vallées) profonds , nous contraignant parfois à avancer en danseuse sur la plus petite vitesse. Dès le départ, nous nous élevons brusquement et profitons des hauteurs pour passer par Petra, la cité-rose taillée dans la pierre par les Nabatéens. Ce peuple arabe qui s’est établi en Jordanie il y a plus de 2200 ans, avait bien le sens des affaires… et le gout architectural ! Malgré tout ce qu’on avait pu lire ou voir comme photo avant de se retrouver dans cette ville, qui constituait par ailleurs un carrefour stratégique majeur à la jonction des routes de la soie, il n’y a rien à redire : le site est spectaculaire. On a la surprise d’y rencontrer Charlotte, copine bruxelloise. Elle nous balance les ragots de derniers cris, de quoi réalimenter nos discussions “vélosophales”, celles où l’on passe en revue notre entourage avec un brin de nostalgie.
Nous randonnons dans la vallée de Dhana, bordée de falaises rouges. Mais celle-ci nous gronde en nous montrant un visage pluvieux. Dommage pour nous, tant mieux pour les agriculteurs, comme ces nombreux immigrés qui vivent sous tente (pakistanais, irakiens, palestiniens,…souvent réfugiés politiques temporaires). L’un d’eux nous confesse que la vente de 7 kilos de tomates lui rapporte seulement un demi dinar (0,50 cents). On sort manteau, bonnet, gants, mais le froid nous attrape.
Pour refaire monter le thermomètre, on redescend… si bas que l’on se retrouve au niveau le plus bas de la terre, à 330 m sous le niveau océanique. On y trouve toujours la pluie, mais aussi la Mer Morte. La sensation de voler (impossible de nager, les pieds et mains remontent à la surface) est très drôle dans cette mer en voie de disparition (évaporation et manque d’alimentation fluviale). Comme des gamins on patauge dans l’eau sacrée. On plante la tente à coté de sources chaudes, qui nous permettent de se dessaler et passer la soirée à contempler les étoiles en tchatchant avec nos compagnons français. Le niveau d’eau de notre bain naturel s’élève tout à coup lorsque des soldats UN servant en Irak viennent y poser leur masse. Nous sommes subjugués par leurs discours…cette guerre est malheureusement bien réelle, et bien proche. Les bruits sourds venant d’Israël juste en face nous rappellent d’ailleurs que ce n’est pas la seule. Coincés entre deux pays en guerre et bombardés d’images télévisuelles d’émeutes en Tunisie et au Caire on pourrait croire que le monde s’écroule. Les scènes de révolutions populaires défilent en continu à la TV, et on lit sur les visages de la compassion, de l’angoisse, mais de l’espoir aussi. Ici, le Roi Abdullah II et sa belle Rania sont aimés et les manifestations sont habilement contrecarrées par des soldats donnant du pain et du thé à la population.
La sympathie des jordaniens nous fait heureusement oublier ces violences. Ils sont plus calmes que leurs voisins égyptiens, plus relax, souvent plus exercés en anglais aussi. Seul un groupe d’enfant nous donne froid dans le dos en nous caillassant (phénomène courant dans la vallée du Jourdan, mais encore incompris par les voyageurs). Le camping redevient possible (cf. Egypte). Quand on remonte depuis la Mer Morte, le froid et le vent nous soufflent dans des foyers affectueux (bédouins, cubains chrétiens, fermiers musulmans ou autres) où ne pas se bourrer la panse est vu d’un mauvais œil.
C’est sous la pluie que nous arrivons dans les rues escarpées d’Amman, la capitale. Ville fascinante par ses contrastes (ancien vs. moderne), surplombée d’une citadelle et d’un théâtre romain de 6000 places. Notre séjour jordanien se termine finalement sur une triste note puisque Benoit et Roland sont refoulés à la frontière syrienne (ils n’ont pas le visa). C’est le moment de faire nos adieux après un mois ensemble. Drôle de sentiment pour nous, nous nous sentons seuls mais heureux de s’élancer sur de nouvelles pistes !