26 01, 2012
Le paradis terrestre
L’archipel a tout ce qu’il faut pour en faire un petit paradis terrestre et cyclo : climat et paysage tropical, ambiance insulaire, trafic routier mineur et habitants à culture et langue familière (merci la colonisation espagnole et américaine). L’anglais est en fait une des deux langues officielles, utilisé dans l’enseignement, l’administration et les média et sert à unifier tout le monde faisant partie de ce gros melting pot ethnique. Des gens sympathiques, avec qui on peut communiquer donc, et qui apprécient l’effort qu’on a pu faire en laissant nos vies européennes un moment pour visiter leur pays (bien qu’ils soient surpris comme partout de nous voir se déplacer pour le plaisir). Malgré la pauvreté qu’on peut directement ressentir à notre arrivée au port de Zamboanga, les philippins nous donnent cette envie irrésistible – et parfaitement niaise – de les qualifier des gens les plus heureux de la planète. Une joie de vivre qui se traduit jusque dans leur musique ou les couleurs qu’arborent les maisons et les jeepneys (sorte de bus fait-maison).
Dès notre arrivée, nous sommes pris en charge par les policiers qui ne veulent pas voir se reproduire un enlèvement d’étranger dans leur district (un australien a été kidnappé récemment). Mindanao, cette même île qui a essuyé le typhon Washi 3 jours plus tôt (1000 à 1500 morts selon les sources) est effectivement un lieu instable où règne une mauvaise paix (qui vaut quand même mieux qu’une bonne guerre) du fait de Musulmans qui se sentent opprimés et marginalisés par un gouvernement chrétien. Le problème n’est pas nouveau : la résistance des Moros (populations musulmanes) date déjà de l’ère coloniale (dépossession des terres ancestrales) et les indépendantistes islamiques ont continué depuis. Mais la crainte des autorités qui, à notre goût, enchérissent une phobie des Musulmans par une confusion entre les mouvements de Libération et les mouvements terroristes nous arrange tout à fait ! Les flics ne veulent plus nous lâcher, tant mieux : nourris, logés, escortés pendant 3 jours. Des voitures de patrouille se relaient pour suivre patiemment nos avancées (clin d’œil de notre passage en Égypte). Immersion totale dans la vie du policier avec une ambiance si décontractée que même une fois sortis de la zone « dangereuse » de Mindanao on continue à squatter les commissariats pour dormir (on compte 5-6 nuits hors commissariat sur le mois). Rien de plus facile : accueillant, gratuit, souvent central dans chaque village, connu de tous (pour le trouver) et sûr bien entendu.
Après Mindanao suit Visayas : un chapelet d’îles aux paysages idylliques et des routes qu’on classe comme les plus belles du voyage. Nous piquons vers le Nord par une combinaison bateau-vélo. Au fur et à mesure de notre remontée, les habitants sont plus riches. Un vent de face nous ennuie. Le relief est accidenté mais donne une force de caractère à chaque île. Sur le chemin, nous faisons un break à Boracay pour passer notre 2ème Nouvel An sous les tropiques (pour Maki), 7h avant l’Europe ;). On déteste cette île touristique peuplée de russes body-buildés qui roulent des mécaniques sur la plage de sable. Monde surfait, monde à part où on se sent plus étranger qu’ailleurs. On gardera un meilleur souvenir de notre Noël V.I.P. : le maire d’une ville nous fait invités d’honneur à son festival. Bouffe, bière à volonté et hôtel payé avec chauffeur privé.
Une fois arrivés à Luzon, on se dirige vers Manille, par un détour pour un beau volcan. On passe plusieurs jours dans la capitale pour s’investir dans notre recherche de cargos vers la Chine. Et ce n’est pas une mince affaire dans cette ville si bordélique. Manille fait face à des problèmes de pauvreté, de circulation, de pollution, d’eau et d’égouts, de corruption…Les villes satellites qui font partie de la flaque urbaine comptent d’énormes bidonvilles. Et ceux-ci ne se trouvent pas que dans les faubourgs d’ailleurs : le quartier plus ou moins central de Tondo ne reflète lui aussi qu’une hideuse image de la réalité. La misère se concentre partout au pied des buildings. Pour enchérir le bordel, 3 millions de « dévoués » assistent à la traditionnelle procession du Black Nazarene. Les pèlerins accompagnent dans une grande fièvre populaire une statue d’un Christ en bois noir. On prend un gros bain de foule pour noyer notre chagrin : notre recherche de bateau est avortée. Le système portuaire est trop réglementé, et on se perd dans le jeux des responsabilités sans issues (le chef de douane nous renvoie aux compagnies maritimes et vice-versa). Nous avons du mal à accepter de prendre l’avion…
Parallèlement, nous faisons face à un autre problème logistique qui est l’attente du passeport de Max qui semble avoir été perdu par la poste philippine. Notre séjour est involontairement rallongé, du coup on s’offre des vacances dans les vacances (et on vous laisse deviner notre moyen de transport…). Histoire de se retrouver une dernière fois sur les pistes de montagnes avant les folies de Pékin ou de l’Europe. Explorer le Nord de Manille fut un excellent choix ! Nous goûtons à quelques belles tranches de vie rurale pendant 1 semaine. La route surplombe des terrasses de riz qui occupent la moindre pente si elle ne fait pas plus de 45 degré. Performances qui montrent de quelles inventions géniales l’homme est capable lorsqu’il s’agit de subvenir à ses besoins. Le décor fait aussi partie de nos plus beaux souvenirs du voyage.
Mais notre soif d’évasion se tarit, il est temps de se mettre sur le chemin pour rentrer vers l’Europe. Fini le climat tropical (ouf), l’avion décolle pour Pékin et de nouvelles aventures plus hivernales…