30 11, 2010
Sea, Cycle and Sun
Il nous semble que notre objectif d’éviter une transition trop sévère d’une société à une autre (tel qu’il existe avec le dropping de l’avion) a été atteint. On quitte Marseille, l’ancienne capitale coloniale déjà à forte population immigrée pour embarquer dans un bateau investi de passagers d’origine tunisienne, attentifs aux prières et aux chants (interminables) de la télé arabe. La plupart d’entre eux font le voyage pour l’Eid-el-Kbir, la fête du mouton, que nous avons la chance de vivre dans une famille campagnarde où l’on égorge 3 moutons (un par couple marié). Pas de doute, nous avons bien changé de pays, et même de continent. L’Islam est omniprésente au quotidien. Ce qui nous marque le plus est la faible participation de la femme dans la vie publique (en dehors de la capitale, les bars ne sont peuplés que d’hommes). Même si, depuis quelques décennies les présidents successifs (Bourguiba et Ben Ali) mènent une politique progressiste permettant théoriquement la complète participation de la femme à la vie socio-économique. Un autre indice de changement sont les prix divisés en quatre, mais comme on bouffe double, on peut dire qu’ils sont divisés en deux (on a même pensé rebaptiser le site « 2 estomacs/4 roues »).
On est contents de goûter à la vie bucolique après Tunis-la-suffocante. Les gens y sont plus apaisés, et l’on fait connaissance avec la culture bédouine de l’hospitalité du voyageur, excepté un accueil malavisé à la fourche (solvé heureusement par nos baragouinages en arabe, merci Assimil !), ainsi qu’une paire de jets de pierres sur Jonathan par des enfants mendiants…
Après coup (de pierres), on se dit qu’on préfère ainsi approcher la réalité de la vie locale, plutôt que de « voyager » en l’ignorant, tel qu’il se fait dans les complexes côtiers touristiques aux aires de ghetto d’occidentaux. Certes, cette réalité existe également au travers nos rencontres, où l’on a parfois le sentiment qu’on attend quelque chose de notre part (ne fut-ce-qu’une adresse), mais on arrive à compenser ces attentes par des apports immatériels : nos bons vieux jeux et chants scouts garantissent de larges sourires dans les foyers à famille élargie. Nous avons ainsi la chance d’être accueillis par des familles horrifiées à l’idée de nous voir planter la tente avec le sentiment de nous abandonner au froid et aux loups…Même Abdelrazak, jeune vendeur d’essence (24h/24) de 19 ans, qui n’a pourtant rien à offrir de plus que ses bidons, insiste pour partager son repas et sa petite baraque du bord de la route pour la nuit.
En pédalant vers le Sud, par un itinéraire à l’intérieur des terres qu’on a préféré à la route côtière dense et touristique, nous profitons de paysages tantôt verts et vallonnés (Nord), tantôt plats et semi-désertiques (centre et Sud). Les courtes journées d’hiver additionnées à notre paresse matinale nous laissent parfois sur notre faim, ce qui nous donne l’envie de prolonger au clair de lune (un vrai spot). Des meutes de chiens nous poussent quelques fois à s’engager dans d’épuisantes courses poursuites, mais bien vite on comprend qu’on peut épargner notre souffle (ce qui apparemment ne sera pas le cas avec les chiens féroces turques qui nous attendent…). On profite du passage à Kairouan, pour visiter cette ville qui se proclame la 4ème ville sainte de l’Islam (après La Mecque, Médine et Jérusalem). Nous atteignons ensuite les montagnes ayant fait office de décor pour Star Wars (Matmata et ses maisons berbères dans la roche), que l’on quitte par une route qui nous ramène au niveau 0 nous laissant filer, vent dans le dos, vers Djerba. Dans l’attente du visa libyen, on profitera de l’île pour se la couler douce quelques jours parmi les retraités. On finira finalement par quitter précocement l’île, non sans plonger quelques fois dans la mer, un peu écoeurés par l’état des relations biaisées par le tourisme (la saison creuse a un effet exacerbant sur les commerçants). Eh oui, le touriste n’aime pas le touriste…
L’attente du visa nous permet de s’enfoncer plus au Sud (vent de face cette fois, avec en prime le sable fin) et visiter les Ksar, anciens greniers à grains (très photogéniques). A l’approche de la frontière, des policiers nous interpellent et ne nous lâchent plus les baskets jusqu’au poste-frontière à une centaine de km. Ca nous ennuie (on doit planter la tente a côté du commissariat), mais on se sent comme des stars !