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Retour Europe

23 03, 2011

Occident vs. Kurdistan

Notre passage en Turquie a été plus long que prévu. L’une des missions était notamment d’y faire le visa iranien, mais l’excellent réseau de bus turc nous a emmené dans sa toile. Si efficace qu’on a préféré ouvrir la chasse aux visas de l’Asie centrale ici plutôt qu’a Téhéran, dont on soupçonne l’administration plus scabreuse. Une famille de Nusaybin garde nos vélos près de la frontière syrienne pendant que nous nous embarquons pour un tour rapide et imprévus de la Turquie. Ballet de bus de nuit : Trabzon au bord de la Mer Noire (3 jours d’attente), Ankara et l’Anatolie centrale…même jusqu’à remettre un pied en Europe pour tuer une semaine d’attente, à Istanbul. On y fait l’obligatoire touristique : Aya Sofia, Blue mosque, Tokpkapi, Sultanhamet, Taksim…Le retour à la vie occidentale a du bon : manger varier (même si on craque souvent pour les durums…), se faire comprendre facilement, danser avec des filles dévoilées, re-gouter au breuvage magique à base de houblon, prendre le métro sans se faire mater, et rencontrer d’autres voyageurs occidentaux…Seul le portefeuille fait le grincheux. Du coup, pour le consoler on se cramponne à notre vie nomade en dormant sous tente dans des parcs enneigés ou au mieux dans les garages. Afin d’ échapper au froid, on ne compte plus les heures de lecture dans les cafés.

Bien qu’initialement ravis de retrouver la modernisation, celle-ci finit par nous agacer… La vie est toujours plus compliquée en ville, les gens moins ouverts (sauf pour raisons commerciales), les hauts talons des pimbêches dans les hypermarkets nous écoeurent. Plus simplement, nous n’étions sans doute pas prêts pour cette dose de luxe. Il faut dire, elle ne nous correspond pas : être mal rasé et avoir les pieds qui puent (on a rendu fou un assistant de bus) n’est visiblement pas à prescrire chez ces maniaques de la propreté. Notre intégration est malaisée, car la tenue classique ici c’est plutôt costard-cravate. On se fait même refuser l’entrée dans les bars branchés de Taksim, car non accompagnés par des filles. La situation nous fait rire, car on ne l’aurait jamais envisagée 10 jours plus tôt.

On retrouve notre statut de VIP, star de première classe, dès notre retour à Nusaybin (pas toujours facile non plus d’ailleurs). Aucun rapport. Salutations à chaque coins de rue, invitations au thé, paysans beuglant des « hello » (ce qu’on appelle maintenant dans notre jargon un « salut à l’égyptienne »), réveils aux cris de coqs, vaches et dindons. Malheureusement aussi, enfants ramassant les détritus le long des routes…Emotions lors de nos adieux avec Firat de Nusaybin, son ami, et sa mère souriante. Un mariage dans lequel on tombe par coïncidence marque encore plus le coup pour notre retour au Kurdistan. Un grand cercle de kurdes se tiennent par les petits doigts en dansant sur le rythme du chanteur au milieu, pendant qu’un homme chasse au bâton les enfants qui ramassent les cartouches libérées par un fusil d’un « ancien » qui tire régulièrement en l’air.

La suite ? montagne, ciel bleu, sommets enneigés, le tout avec des militaires qui nous laissent franchir les check-points sans problèmes (contrairement à nos craintes, car la frontière irakienne est toute proche) : bref, semaine parfaite ! On est ravis d’être dans la bonne saison pour passer les cols enneigés. A l’heure du coucher de soleil l’hospitalité kurde se charge de nous épargner les nuits dehors, sous 0 degré. De toute façon, difficile de refuser les invitations insistantes, parfois même agrémentées de la phrase « kurd no terrorist » comme pour nous prouver leur bonté. Echanges difficiles, les mimes prennent le dessus et quand les discussions s’épuisent, ce sont les images du tsunami japonais de la tv qui brisent le silence. Les salons se remplissent au fur et à mesure de la soirée, le verre de thé est inépuisable (on a beau dire qu’on ne peut plus en boire sans quoi on doit se lever 4 fois la nuit pour pisser, on nous en ressert…). La séance de « white-watching » (on nous regarde sans gêne, et nos cheveux « yellow » ont l’air de faire de l’effet) prend fin lorsqu’on feint la fatigue. Les départs au matin se font style série tv : toute la famille sur le pas de la porte nous dit au revoir, en nous appelant une dernière fois par des noms mixés tels que jamuel ou samathan ou autre, parfois la larme à l’oeil. Poignant, quand on sait qu’on était encore des inconnus la veille.

A notre grand plaisir, nous restons dans le Kurdistan, bien qu’on passe la frontière iranienne.